Ce Tête-à-Tête a été réalisé avant qu’Haïti connaisse à nouveau une période d’extrême tension. Depuis quelques semaines, et ceci afin d’assurer leur sécurité dans un contexte périlleux, la Distillerie a demandé à l’ensemble de ses employés de ne plus venir travailler. Haïti doit faire face, une fois de plus, à une situation préoccupante qui nous plonge dans une profonde tristesse. Nous souhaitons à cette île de retrouver rapidement l’apaisement.

#10 ... Delphine Gardère, Rhum Barbancourt

[ 04.10.2022 ]

Philippe de Pompignan. Bonjour Delphine, je suis très heureux que nous ayons pu organiser cet échange tous les deux et vous remercie de votre confiance. Afin de vous connaître un peu mieux, pourriez-vous vous présenter en quelques mots ? Nous raconter votre enfance en Haïti, votre formation, votre expérience, tout ce qui vous a amenée là où vous êtes aujourd’hui, à la tête de cette magnifique marque qu’est Barbancourt ?

Delphine Gardère. Bien sûr ! Mon nom est Delphine Gardère, j’ai 38 ans et je suis née à Port-au-Prince où j’ai grandi jusqu’à mes quinze ans. Après, j’ai fait une partie de mes études en France où j’ai obtenu mon Bac, puis des études en école de commerce. J’ai ensuite déménagé à Londres où j’ai travaillé dans la finance dans une Banque d’investissement durant presque deux ans puis, avec la grande crise des subprimes en 2008-2009, je me suis reconvertie dans le marketing. Là, j’ai intégré pas mal de grands groupes, en particulier dans le secteur de la parfumerie.

Delphine Gardère, Présidente-Directrice générale des rhums Barbancourt © Barbancourt

PDP. C’est par la suite que vous avez pris les rênes de la distillerie ?

DG. Mon père est décédé en 2017 mais j’avais en effet commencé à travailler un peu avec lui, à distance, sur la partie marketing et export.

Thierry Gardère, père de Delphine Gardère © Barbancourt 

PDP. Vous n’étiez donc pas complètement novice en arrivant dans la distillerie, vous aviez déjà fait quelques armes dans ces domaines-là notamment ?

PG. Tout à fait.

PDP. L’année 2017 marque un tournant lorsque vous héritez de la distillerie…

DG. Oui, c’est cela. A la mort de mon père, j’étais déjà associée commandite, mais d’importants conflits familiaux m’ont poussée à me retirer durant quelque temps, jusqu’à ce que tout soit définitivement réglé. Depuis 2020, j’assure l’entière gestion de la distillerie et en suis l’actionnaire principale.

PDP. Comment se sont passés vos débuts ? Comment avez-vous été accueillie ? On sait que c’est plutôt un « métier d’homme », on ne voit pas beaucoup de femmes à la tête de distilleries, comment cela s’est-il passé pour vous ?

DG. Je vous dirais que c’était très spécial car les deux ans de conflits évoqués précédemment - sur lesquels je ne souhaite pas m’attarder - n’auraient sans doute pas eu lieu si j’avais été un homme, très honnêtement.

PDP. Il a donc fallu vous imposer en tant que femme dans cet univers-là ?

DG. Complètement. Et puis en Haïti de manière générale, le monde des affaires n’est pas un univers pro-femme. Pourtant, étrangement, je ne suis pas la première femme à diriger l’entreprise. La première s’appelait Nathalie Gardère, veuve de Dupré Barbancourt, le fondateur.

Nathalie Gardère, veuve de Dupré Barbancourt © Famille Barbancourt

PDP. A la mort du fondateur, il n’y a donc plus eu de personnes portant le patronyme de Barbancourt à Haïti ? 

DG. Il a eu des filles mais qui n’ont pas hérité de la distillerie. Il faut savoir qu’à l’époque, il s’agissait vraiment d’un « tout petit truc » qui se trouvait à l’arrière de la maison...

Distillerie Barbancourt dans les années 40, en plaine © Famille Barbancourt

PDP. Un fonctionnement totalement artisanal en somme. Aujourd’hui, trouve t-on encore des personnes portant le patronyme de Barbancourt ?

DG. En Haïti, pas que je sache.

PDP. Le nom du fondateur est donc resté pour la marque, mais c’est véritablement la branche Gardère qui s’est succédée à la tête de l’entreprise ?

Voilà donc une transition toute trouvée pour la question suivante qui est plus axée sur l’historique de la marque. On voit sur toutes les bouteilles Barbancourt, encore aujourd’hui, « depuis 1862 ». Faisons un voyage dans le temps : qu’il y a-t-il eu à l’origine de cette rhumerie ?

DG. Dupré Barbancourt a créé son rhum, il est décédé le 16 novembre 1907 en France, puis a été enterré au cimetière du Père Lachaise, à Paris.

Dupré Barbancourt 1862 - 1907 © Famille Barbancourt / Caveau de la famille Gardère (Alice Gardère) où Dupré Barbancourt a été enterré, Cimetière du Père-Lachaise, Division 85, Paris © Pierre-Yves Beaudouin

DG. Nathalie, sa femme, reprend alors les rênes, avant de se faire aider par Paul Gardère, mon arrière-grand-père. Puis, à la mort de ce dernier, c’est mon grand-père Jean qui lui succède, alors qu’il a 20 ans et quelques et qu’il est juriste ! Il décide alors de transposer cette distillerie dans la plaine du Cul de Sac, à Port-au-Prince, où l’on trouve de la canne.

De gauche à droite, Paul et Jean Gardère © Famille Barbancourt

PDP. D’accord, alors on passe de la petite unité qui est à l’arrière de votre maison…

DG. …à une distillerie plus imposante, avec davantage de capacité de production.

Distillerie Barbancourt, Haïti © Barbancourt

PDP. Oui, il n’y avait pas de ligne d’embouteillage, la vente se faisait « en direct », à la sortie de la distillerie. C’était une autre époque, avant qu’arrivent le marketing et toutes les chaînes de distribution que l’on connaît aujourd’hui…

DG. C’était les années 40…
Sous « Papa Doc » (ndlr. François Duvalier), nous avons été mis en exil pendant un moment. Ma famille est revenue sous « Baby Doc » (ndlr. Jean-Claude Duvalier), dans les années 70.

PDP. La distillerie s’était-elle arrêtée durant cette période d’exil ?

DG. Non, elle avait continué à fonctionner. Dans les années 70, sous « Baby Doc », mon père et mon grand-père sont rentrés. Ensemble ils ont poursuivi la modernisation de l’entreprise en réalisant de nombreux investissements, jusqu’au décès de mon grand-père en 1991 puis de mon père en 2017.

PDP. L’histoire de « Barbancourt » est intimement liée à celle d’Haïti, finalement. Vous avez dû faire face aux différents régimes en place.

DG. Oui. Il faut savoir que Nathalie Gardère était une femme très engagée en politique. Lorsqu’elle s’est mariée à Dupré, celui-ci lui a demandé de ne plus faire de politique !

PDP. Oui, ce n’est pas toujours évident d’associer affaires et politique parce que l’on se fait vite des ennemis alors que dans les affaires, il vaut mieux n’avoir que des amis ! (rires)

DG. Je ne sais pas, en fait, pas toujours ! (rires)

PDP. Donc si on fait le calcul, cela fait 160 ans que la distillerie et la marque ont été créées !

DG. C’est exact.

PDP. Quelle date importante ! Il n’y a pas beaucoup de marques qui peuvent se targuer d’avoir 160 ans d’existence ! Allez-vous marquer le coup pour cet anniversaire ?

DG. On a commencé à marquer le coup en organisant différentes soirées, à New York, en Haïti, au plus près des différentes communautés haïtiennes. En terme de produits, des éditions limitées vont sortir pour la fin de l’année !

PDP. Excellente nouvelle, nous avons hâte de voir cela !

Je reviendrai sur vos nouveautés plus tard car avant, je souhaiterais que vous puissiez me dire comment Barbancourt - la distillerie et la marque - s’insère dans le paysage haïtien. Pourriez-vous nous parler du terroir haïtien, de sa situation géographique ? De ce qui le rend unique et de ce qui fait ses différences ? J’aimerais en savoir plus sur l’environnement de la distillerie, ses parcelles, et aussi l’impact sociétal : le poids économique que vous représentez pour la région. Si demain je viens vous rendre visite, qu’est-ce que je verrai sur le site de la distillerie ?

DG. En fait on est une distillerie implantée dans la plaine du Cul de Sac - la région agricole des plaines, en Haïti.

Plaine du Cul de Sac, Haïti © Barbancourt

DG. On y cultive une canne hybride pour Haïti. Il s’agit de la variété de canne la plus utilisée ici, dont le nom local est « Madame Meuze ». (sourire)




Champs de cannes et récolte de cannes « Madame Meuze » © Barbancourt

DG. On a environ 500 employés et on travaille en majorité avec des agriculteurs, car on n’a pas assez de terres pour couvrir l’ensemble de nos besoins. Il faut savoir qu’en Haïti, il n’y a pas de grands propriétaires terriens à cause de la réforme agraire, par conséquent il y a un fort morcellement des terres.

Elaboration de fûts de chêne français et chais de vieillissement © Barbancourt

PDP. Donc, vous travaillez aussi avec des « petits » planteurs de canne ?

DG. Beaucoup, oui ! On a tout un département spécifique dédié à cela, qui donne les ordres de coupe, d’approvisionnement, de transport… Quelque fois il faut faire du drainage, les aider sur leurs parcelles… Et puis on est également présent au niveau humain mais aussi en termes de support et formations.

PDP. Ainsi vous avez vos propres terres, auxquelles s’ajoutent celles des planteurs indépendants à qui vous apportez votre savoir-faire et votre expertise. Il y a donc un apport presque culturel de la distillerie auprès de toutes ces personnes qui travaillent indirectement pour vous.

DG. Oui. Nous avons aussi une Fondation qui est subventionnée par la Société, et compte notamment une clinique qui offre des soins médicaux de première nécessité accessibles à tous, et pas seulement aux employés.

Logo de la fondation Barbancourt © Barbancourt

DG. Oui, car nous sommes dans une zone de désert médical.

PDP. Cela doit être très important pour la population locale. Vous allez bien au-delà de votre activité de producteur de rhum. C’est quelque chose que j’ignorais et qui est très intéressant. C’est un bel engagement.

PDP. Je souhaiterais maintenant parler de vos produits, de leur identité visuelle également. Je suis particulièrement heureux de cet échange avec vous car une question me taraude depuis de nombreuses années : sur le logo Barbancourt, on voit une femme magnifique, vêtue d’une robe bleue. Pouvez-vous nous dire qui elle est ?

DG. Alors, en Haïti, les gens l’associent souvent à la déesse de l’agriculture.


PDP. Il n’y a donc aucun lien avec l’épouse de Dupré Barbancourt, comme je me l’étais imaginé ?

DG. Alors il y a tout de même un petit lien car il paraît que le dessin représenterait la première épouse de Dupré.

PDP. On voit qu’elle tient une canne à sucre dans sa main, et qu’au second plan se profile une grande étoile. Que signifie cette étoile ?

DG. Lorsque l’on a racheté la distillerie, cela s’appelait le Domaine de l’Etoile. Mais à la base, les étoiles sur les bouteilles, trois étoiles, cinq étoiles, étaient les anciennes appellations de Cognac. Trois étoiles pour VO, par exemple… Et nous avons voulu réutiliser ce fond.

PDP. En effet, le monde du Rhum s’est beaucoup inspiré de l’univers du Cognac… Notamment des appellations.

Par ailleurs, sur l’étiquette du Barbancourt 15 ans, on voit un tableau haïtien qui marque très fortement l’identité visuelle de votre marque. Pourquoi ce tableau en particulier ? A-t-il une histoire ou est-ce un choix remis au hasard ?

DG. Ce tableau - dont nous détenons l’original au bureau - apparaissait sur « la Réserve du Domaine » (15 ans) qui, au départ, était une cuvée familiale, avant qu’elle soit commercialisée pour le public dans les années 60. L’artiste qui l’a peint s’appelle « Félix Jean ».

PDP. Cela serait émouvant de voir l’original dans votre bureau. Une scène de marché…

DG. Oui, une scène de marché, naïve, très typique.

Scène de marché, Felix Jean, peintre haïtien, né en 1929 à Anse-a-Veau et étui  Barbancourt 15 ans, Réserve du Domaine © Barbancourt

PDP. Je vous avoue qu’en tant qu’humble amateur de peinture haïtienne, ce tableau m’a toujours fait voyager et rêver.

Nous allons maintenant nous plonger dans vos rhums et leurs processus de fabrication. Chaque distillerie a ses petits secrets : sélection des cannes, fermentation, appareil à distiller, autant de points qui vont orienter, signer le profil aromatique d’un rhum… Pouvez-vous développer cet aspect-là afin que l’on comprenne bien chacune des étapes de votre production ?

DG. Alors les étapes de la production…
On travaille avec les agriculteurs pour donner des exemples de coupe, d’approvisionnement et d’organisation logistique. Ensuite nos cannes sont broyées dans les 24-48h une fois qu’elles sont mises sur la piste. Le jus connaît une fermentation longue, d’environ 3 jours, réalisée avec nos propres levures.

PDP. Peut-on parler de rhum agricole ?

DG. Non, parce que le terme « rhum agricole » est copyrighté par les îles françaises, et les contraintes de distillation sont nombreuses pour prétendre à cette appellation.

PDP. Il est vrai que c’est assez spécifique à la Martinique, la Guadeloupe, même en Guyane française, mais au niveau du processus, on y est.

DG. Oui, cela est vrai pour le début du processus. Mais quand on s’adresse à des puristes, ce n’est pas pareil. Il n’empêche que l’on ne produit pas du rhum de mélasse, on est vraiment sur du rhum de canne.

PDP. On reste dans la tradition française, avec la même matière première que celle des îles françaises.

DG. Oui. Ensuite on distille, et là on se différencie pas mal des rhums français, parce que l’on n’utilise pas les mêmes niveaux de plateau. Notre colonne présente la particularité d’être très haute, ce qui permet d’obtenir un rhum un peu plus léger.

Colonne à distiller © Barbancourt

PDP. Oui, car plus il y a de plateaux, plus on affine la distillation. Est-ce un alambic en cuivre ?

DG. Oui.

PDP. Un matériau dont on sait qu’il apporte beaucoup au produit final. En Martinique, les rhumiers sont d’ailleurs obligés d’utiliser au moins un élément en cuivre pour pouvoir prétendre à l’obtention de l’A.O.C. (Appellation d’Origine Contrôlée).

Cette année 2022 - marquée par les 160 ans de Barbancourt - signe un réel tournant pour vous puisque que vous avez renouvelé votre gamme. On attend d’ailleurs avec impatience de la voir arriver en France !

DG. Elle est en route !

PDP. Qu’est-ce qui a motivé votre décision de revoir complètement le packaging, la présentation visuelle de vos produits ?

DG. C’était quelque chose que l’on voulait faire depuis longtemps, comme passer aux bouchons de liège. Réalisant nous-même l’étape d'embouteillage, on a préféré attendre de pouvoir changer d’équipement pour tout remettre à plat.

L’idée était de reprendre la gamme avec un côté un peu plus « craft » sur la bouteille. Barbancourt a 160 ans, on ne va pas vous vendre une bouteille comme une bouteille de Tequila moderne. On a recherché un retour aux côtés plus anciens d’une marque qui a un très bel âge.

PDP. Je vous suis. Il est important de sentir tout le poids de cet héritage au fil des années…

DG. Exact. Donc on a une bouteille plus élégante, un bouchon de liège, aucun plastique. Et puis on a très légèrement rafraîchi le logo et voilà…

PDP. En conservant cette belle déesse de l’agriculture que l’on associe à vos rhums !

DG. Oui. En fait elle est mieux définie dans cette nouvelle version. On a également un code couleur pour la gamme qui reprend plus ou moins le drapeau haïtien, donc rouge, bleu, puis or pour le 15 ans. Nos étuis seront également en couleur.


Nouveau packaging 4 ans, 8 ans, 15 ans © Barbancourt

PDP. Ce n’est pas un secret, j’ai eu la chance de les avoir en main et c’est très réussi ! On sent bien que vous allez tirer la marque vers le haut, vers le Premium.

DG. Oui ! C’est exactement ce que l’on essaie de faire. Concernant le rhum blanc, on va d’ailleurs proposer prochainement un rhum blanc Over proof ! En terme de packaging c'est la couleur bleu ciel qui lui a été attribuée.

Barbancourt Over Proof – « Haitian Proof » 55 degrés © Barbancourt

PDP. J’ai également eu la chance de le découvrir en « avant-première » et je dois dire que c’est LA grande nouveauté. On retrouve toujours la même gamme pour les rhums vieux : 4 ans, 8 ans, 15 ans et, pour le rhum blanc, vous avez pris le parti d’embouteiller à plus fort titrage, ce qui suit la tendance actuelle du marché. Un peu à l’image des rhums martiniquais ou guadeloupéens qui titrent autour de 50°-55° aussi.

DG. Oui, même s’il faut savoir qu’en Haïti, on consomme très peu de rhum blanc, contrairement à la Martinique ou la Guadeloupe. Ici, on boit surtout du rhum vieilli.

Chais de vieillissement Barbancourt - Fûts et foudre de chêne français © Barbancourt

DG. Le rhum blanc Barbancourt répond vraiment à une demande du marché international. On en vend très peu localement, environ 2%.

PDP. J’ouvre à présent une petite parenthèse pour parler de votre nouveau canal de distribution. Vous avez récemment créé un partenariat avec la jeune société française, Distill Spirit. Quelle était votre motivation et quelles sont finalement vos ambitions pour le marché français en réalisant cet investissement-là ?

DG. Alors pour nous, Distill Spirit, c’était surtout l’idée primordiale de trouver quelqu’un qui - en terme de développement de marque - ait une vision alignée avec la nôtre. Quelqu’un qui ne soit pas forcément focalisé sur le volume mais sur une construction de marque. Notre but était de nous éloigner des distributeurs qui auraient eu une autre vision des choses. Et si l’on ajoute à cela les conflits d’intérêt de certains distributeurs avec les propriétaires des marques…

PDP. C’est une problématique que je connais bien. Votre volonté de creuser plus profondément votre sillon sur le long terme avec un partenaire fort est tout à votre honneur. Je suis convaincu qu’elle portera ses fruits !

DG. C’est un pari que l’on fait : on a préféré aussi travailler avec une entreprise qui monte plutôt que d’investir sans arrêt dans de nouvelles marques.

PDP. Donc ça c’est pour le marché français. Plus largement, quels sont les territoires d’exportation du rhum Barbancourt et quels sont vos plus grands marchés actuellement ?

DG. En dehors d’Haïti, je dirais les USA et le Canada où réside une grande communauté haïtienne. Nous travaillons également avec Monarq pour les Caraïbes, car là aussi il y a pas mal d’expatriés haïtiens, notamment sur Turks and Caïcos. On a également la République Dominicaine où l’on a déjà expédié 4 containers depuis fin 2021.

PDP. Ah oui, en effet !

DG. En fait, en République Dominicaine il y a des Haïtiens qui consomment du Barbancourt, mais il y a aussi une clientèle très huppée qui apprécie le Barbancourt parce qu’il est très différent de leurs rhums locaux.

Dégustation de rhum vieux Barbancourt © Barbancourt

PDP. Les rhums de République Dominicaine sont effectivement relativement sucrés pour les vieux, ce qui ne reflète pas nos habitudes de consommation. Il est donc parfaitement compréhensible que vous ayez trouvé une place sur ce marché-là, même si ce sont de très gros producteurs.

DG. Je crois qu’avec Monarq, on a 14 pays : la République Dominicaine, le Canada, les Etats-Unis, donc ça c’est déjà en cours. Nous ouvrons bientôt le Panama, nous sommes en discussion avec le United Kingdom, l’Allemagne, la péninsule Ibérique… Nous avons finalisé avec l’Italie, les pays nordiques, et nous sommes présents en Duty Free aux Etats-Unis avec « Duty Free of America ». C’est un de nos grands partenaires aussi.

PDP. Peut-on dire que la diaspora haïtienne est vraiment celle qui consomme le plus et qui est la meilleure ambassadrice ?

DG. Oui ! Et puis il y a plusieurs types de diaspora haïtienne. Par exemple aux Etats-Unis, aujourd’hui, cette diaspora en est à la deuxième-troisième génération, très intégrée dans la communauté noire américaine. Il y a donc un fort potentiel. Notre objectif à terme est aussi de diversifier notre chiffre d’affaires, d’arriver à un split 70 / 30, 60 / 40 à l’export.

PDP. Actuellement c’est 70 en local et 30 à l’export ?

DG. Oui, c’est cela. Et à terme, atteindre un 60 / 40 ou encore mieux un 50 / 50 serait top !

PDP. C’est à dire maintenir votre positionnement local tout en vous développant à l’export.

DG. Exact. Nous avons un très gros marché local.

PDP. Cet échange est vraiment passionnant. Nous pourrions, en guise de conclusion, parler de l’avenir de vos produits. On voit que vous êtes restés fidèles à votre gamme historique avec les 4, 8 et 15 ans. En tant que grands amateurs de Barbancourt, nous aimerions vous voir sortir des produits plus exclusifs, tels que des millésimes, des Single Casks…

DG. On travaille actuellement sur du développement produit et l’on a notamment un lancement prévu avec le Bar 1802. Je ne sais pas si vous avez été tenu au courant « off record ».

PDP. Je dois vous avouer que nous venons d’avoir la visite de Nicolas (Distill Spirit) qui nous a offert le privilège de nous montrer cette superbe nouveauté dont on devine qu’elle fera grand bruit ! Ma question n’était donc pas tout à fait innocente… (rires)

DG. Ah et bien voilà ! (rires) Pour être honnête, nous préférons sortir de bons rhums plutôt que de sortir une édition limitée par obligation.

PDP. J’ai également eu la chance de découvrir une petite série limitée prévue pour vos 160 ans, quelle magnifique bouteille !

DG. Oui, c’est vrai que l’on essaie pas mal de nouvelles choses. Après il faut que la qualité soit au rendez-vous, que cela colle avec notre positionnement. Il faut que ce soit excellent ! Nous ne souhaitons pas simplement sortir des nouveautés.

PDP. Et bien tous ces beaux projets en gestation sont prometteurs !

DG. Oui. On a d’ailleurs recruté quelqu’un en développement produit qui vient des Armagnacs Janneau..

PDP. Et bien nous avons hâte de voir tout cela dans les années à venir, Delphine.

DG. Je pense que l’on se verra le 25 ! Il y aura aussi Vladimir de Delva, notre responsable de création à la distillerie depuis dix ans, ainsi que le reste de l’équipe.

Vladimir de Delva, Master Distiller et Directeur des Opérations © Barbancourt

DG. Nous serons tous très contents de vous recevoir tous les deux.

160ème anniversaire des rhums Barbancourt, « Bar 1802 - l’Hôtel Monte Cristo », Paris.

PDP. Nous serons évidemment au rendez-vous ! Merci infiniment pour votre confiance à travers ce long échange. Rendez-vous à Paris !

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération.